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Des Cavaliers Randonneurs Alpins
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le mardi 09 janvier 2007
Pour choisir un cheval destiné au sport ou au loisir, le tempérament est le premier critère à prendre en compte. Jusqu'à présent, il n'existait pas de tests objectifs pour sélectionner les chevaux en fonction de leur tempérament. Des chercheurs de l'INRA ont conçus des tests permettant de définir objectivement le caractère des chevaux. Ils ont ainsi montré que le tempérament des chevaux peut être prédit de façon fiable dès l'âge de huit mois.
Le tempérament du cheval est un facteur primordial pour une utilisation adaptée des chevaux, quelle que soit la discipline pratiquée. Par exemple, pour l’équitation de loisir, les chevaux doivent être calmes et peu réactifs afin de ne pas manifester de réactions de peur exagérées (écarts, emballements) pouvant conduire à des accidents. Hors, jusqu’à présent, il n’existait pas de tests objectifs pour sélectionner les chevaux en fonction de leur tempérament. Pour répondre à la demande des professionnels du monde du cheval, une vaste étude soutenue par les Haras Nationaux(1) se déroule à l’INRA de Tours depuis 2001, visant à créer des tests permettant de prédire le tempérament des chevaux. Les chercheurs ont ainsi montré que le tempérament des chevaux peut être prédit de façon fiable dès l’âge de huit mois. Cette étude a permis de créer au niveau mondial le premier modèle de tempérament équin dont la stabilité à long terme a pu être démontrée.
Une récente enquête des Haras Nationaux a montré que le tempérament est le critère le plus important pris en compte pour l’achat d’un cheval, qu’il soit destiné au sport ou au loisir. Pourtant, jusqu’à présent, il n’était pas facile de détecter rapidement les chevaux au tempérament adapté. Seul le fait de les côtoyer pendant plusieurs semaines permettait de comprendre leur caractère. Les chercheurs de l’INRA, en collaboration avec les Haras nationaux ont mis au point des tests permettant de caractériser objectivement le tempérament des chevaux, comme cela est fait avec les notes de modèles et allures, ou les indices de performance.
Entre 2001 et 2005, plus de deux cent chevaux ont été testés afin de mettre au point des tests permettant de caractériser objectivement le tempérament des chevaux. Ceux-ci ont été étudiés à l’INRA de Tours, à la station expérimentale des Haras Nationaux de Chamberet ou encore dans des élevages privés. Au cours de cette période, plus d’une trentaine de tests ont été créés afin de mesurer différents aspects de tempérament comme la peur, la motivation sociale (le fait d’accepter ou non d’être seul), la réactivité vis-à-vis des humains, le niveau d’activité général ou encore la sensibilité des chevaux. Après trois années de recherche, une dizaine d’entre eux ont été retenus : en raison de leur facilité de mise en œuvre, de leur fiabilité et de leur répétabilité.
Pour tester la réactivité vis-à-vis des humains, le cheval peut être soumis aux « test de l’homme passif » et « test de l’homme actif ». Les comportements de l’animal sont observés, en présence d’un homme immobile à la porte de son box, ou se dirigeant vers l’animal pour lui mettre un licol. L’observateur prend ici en compte les temps nécessaires pour toucher l’épaule, toucher la tête, mettre le licol en appréciant l’immobilité du cheval et d’autres comportements comme trotter, mordre ou flairer.
D’autres tests concernent par exemple la sensibilité tactile du cheval. Un observateur touche le cheval avec un instrument de mesure tactile, appelé filament de Von Frey. Ce filament est composé d’un stylet au bout duquel est attaché un fil nylon très fin, que l’humain sent d’ailleurs à peine. L’expérimentateur touche le cheval avec ce filament à la base du garrot et observe une éventuelle réponse de frémissement du muscle peaucier. Une grande variabilité des réponses est observée : certains chevaux hypersensibles frémissent systématiquement alors que d’autres ne présentent jamais aucune réaction. Ces tests se sont révélés prédire précisément l’aptitude du cheval à être monté, et notamment sa sensibilité aux aides du cavalier.
Une étude longitudinale a permis de suivre plus de cent chevaux de la naissance jusqu’à l’âge de trois ans. Elle a montré que le tempérament des chevaux peut être prédit de façon fiable dès l’âge de huit mois.
Cette étude a également permis de s’intéresser aux facteurs génétiques qui peuvent influencer cette mise en place. Un effet de l’origine paternelle a ainsi pu être montré : en fonction de leur père, certains chevaux sont plus peureux, plus motivés socialement ou plus réactifs vis-à-vis des humains que d’autres. Un effet du sexe a également été mis en évidence : par exemple, les hongres (chevaux castrés) sont plus peureux, plus réactifs vis-à-vis des humains, moins motivés socialement et moins actifs que les femelles.
En plus de pouvoir prévoir le tempérament des chevaux, l’objectif de l’étude était également de déterminer quel est le tempérament le plus adapté en fonction du type d’utilisation. On a donc cherché un lien entre les différents aspects de tempérament identifiés et l’aptitude des animaux à être débourrés (être manipulés, tourner en longe, sauter, se promener à l’extérieur). Les analyses ont permis de distinguer deux types de profils :
* Le premier type de profil correspond aux chevaux peu peureux, peu réactifs vis-à-vis des humains, peu motivés socialement et actifs. Ces chevaux se sont montrés être les plus faciles à manipuler et à mener en extérieur ; il s’agirait donc plutôt d’un profil adapté à l’équitation de loisir.
* Le second type de profil correspond à des chevaux plus peureux, plus réactifs vis-à-vis des humains, plus motivés socialement et actifs. Ces chevaux se sont révélés être plus difficiles à manipuler, mais plus performants à l’obstacle et pour le dressage ; ils conviendraient donc davantage aux cavaliers confirmés pour une équitation sportive.
Sur le plan fondamental, cette étude a permis de créer au niveau mondial le premier modèle de tempérament équin dont la stabilité à long terme a pu être démontrée. En terme d’application pratique, cela signifie que des tests simples à mettre en œuvre réalisés dès l’âge de huit mois permettent de prédire l’aptitude des chevaux à être utilisés à l’âge adulte. Une sélection rapide des chevaux en fonction de leur tempérament devient alors envisageable.
Source INRA.
L'Equitation Ethologique
Selon Élisabeth de Corbigny
L’éthologie (étude du comportement animal) , est une science qui s’apprend en Université ; je ne saurais donc prétendre à aucun titre dans ce domaine.
Cependant , les nouvelles techniques d’éducation et de dressage des chevaux trouvent leur source dans l’éthologie. Certains Américains , en conflit avec les méthodes violentes appliquées généralement aux chevaux, surtout lors des débourrages, ont réussi , à force de les observer dans leur milieu naturel, à « décoder » leur moyen de communication. Le résultat de ce travail leur à permis de formater des méthodes simples, efficaces, et sécuritaires, mais surtout pleines de bon sens, afin que tout le monde puisse apprendre à mieux communiquer avec son cheval.
La plupart des problèmes « comportementaux » que nous rencontrons avec nos chevaux sont dus le plus souvent à un manque de compréhension ; nous pouvons les résoudre efficacement et de manière durable si nous nous attachons à comprendre et respecter la nature du cheval , ainsi que la « mécanique » du mouvement.
Certains principes fondamentaux basés sur l’éthologie doivent nous permettre d’améliorer la relation homme/cheval. En voici quelques exemples :
Agir comme un « leader » digne de confiance et non comme un « chef » autoritaire.
Rendre confortable le comportement souhaité, et rendre la fuite inconfortable.
Trouver un moyen de communication compréhensible pour le cheval , notamment en améliorant notre « langage du corps » et notre capacité de concentration !…..
Si nous souhaitons construire une vraie relation avec les chevaux , en faire des partenaires confiants, volontaires et généreux, nous devons faire l’effort de nous remettre en question et travailler énormément sur nous-mêmes , afin de développer nos qualités et améliorer nos points faibles.
Extrait de « que ma joie demeure » : Jean Giono
La noce des chevaux dura tout le jour sous un ciel cheval plein de galopades, de nuages et de courses mélangées de l’ombre et du soleil.
L’étalon mordit la nuque de la jument noire. Elle creusa les reins comme pour s’ouvrir sous elle et elle bondit vers les verdures de Randoulet. Ils galopaient côte à côte, leurs crinières fumaient. L’étalon essayait toujours de mordre cette place craquante et chaude derrière les oreilles. La jument sentait sur sa nuque la salive de l’étalon qui se refroidissait dans le vent du galop. Elle avait envie d’ombre, d’herbe et de paix, elle galopait vers l’ombre, l’herbe et la paix. (…)
Vers le milieu du matin, ils abordèrent les grands champs d’herbe que Randoulet avait laissés sur pied. C’était comme un océan de foin frais, mûr au-delà de la maturité, avec les graines, et de chaque côté de chaque tige, deux longues feuilles couleur de tabac. Ça n’avait ni borne ni fin. Ni l’étalon ni la jument ne connaissaient l’herbe libre. Malgré leur grand désir ils se plantèrent tous les deux devant cette immense merveille (…)
Ils entrèrent au pas d’amble dans l’herbe épaisse. Peu à peu l’herbe leur monta jusqu’au poitrail. (…) Au fond dormait l’étang, aplati par son sommeil d’automne. Il reflétait le ciel. Quand les bêtes arrivèrent là, elles sentirent la fraîcheur de l’eau monter le long de leurs jambes. Leurs sabots s’écrasaient dans la boue. Elles reniflaient l’odeur de l’étang. Elles eurent les yeux éblouis par les reflets de l’eau. Elles se mirent à danser sur place et l’eau jaillit en longues flèches blanches qui s’allumaient au soleil dès qu’elles dépassaient les herbes. Alors la fraîcheur leur toucha le ventre et les reins et les cuisses, et se fut déjà comme le commencement de l’amour. Ils sentirent se calmer en eux la sauvagerie de cette ardeur qui les portait l’un vers l’autre. Ils se roulèrent dans l’eau en écrasant les herbes, et les bords de l’étang, et la boue.
A mesure que l’eau les baignait, ils sentaient que l’ardeur sauvage se changeait en tendresse et quant ils se relevèrent, un peu hébétés, frissonnants et couvert de boue, ils se léchèrent doucement le museau l’un de l’autre, d’abord autour de la bouche puis autour des yeux.
Après, comme ils regardaient le vaste monde autour d’eux, ils aperçurent la barre rousse et verte de la forêt. L’étalon posa sa tête sur l’encolure de la jument, ils étaient presque à la lisière de la forêt. Ils s’approchèrent au pas de ces ténèbres pailletées de rayons verts, là ils s’arrêtèrent.
Il s’approcha doucement du grand corps de la jument que les frissons faisaient tressaillir comme un essaim de mouches. Elle creusa ses reins pour s’ouvrir et elle resta ouverte, attendant. Alors, il monta sur elle et lui fit longuement et paisiblement l’amour.
Dans la steppe j’ai compris la valeur d’une rencontre lorsque, croisant un cavalier, échangeant quelques mots avec lui, je ré enfourchais ma solitude, seule compagne fidèle. J’ai appris à reconnaître, dans le lointain le filet de fumée d’une yourte et à y lire une promesse. J’ai compris qu’un cheval n’est pas une bête et qu’en selle je n’étais pas seul.
Les kilomètres abattus sont le plus grand trésor qu’un homme peut amasser.
Rapport à l'animal et pratique sportive
http://etudesrurales.revues.org/document142.html
http://www.liberation.fr/transversales/weekend/222120.FR.php
Catherine Tourre-Malen
En équitation, le rapport homme-cheval présente deux composantes principales : une composante technique et une composante affective. Cette dernière prend une nouvelle dimension avec l'entrée de l'équitation dans la sphère des loisirs et sa féminisation. Les expressions de l'affectivité envers le cheval, observées lorsque le cavalier, à pied, s'occupe de sa monture, sont particulièrement marquées chez les femmes. Leur comportement traduit une modification profonde des représentations du cheval qui tend aujourd'hui à être perçu comme un animal de compagnie plus que comme un auxiliaire de travail. Cette évolution va à l'encontre d'une des bases de l'équitation sportive, à savoir l'instrumentalisation du cheval.
L'équitation était un sport masculin, militaire même. Aujourd'hui, elle attire en majorité des juniors. Que s'est-il passé ?
Cette évolution a pris à peine trente ans. Elle est intéressante, car elle est le fruit de tendances qui ont traversé toute la société. Il y a eu d'une part une évolution hédoniste des pratiques sportives, rejetant la compétition, l'effort, directement héritée du «droit au plaisir» porté par l'esprit de Mai 68. Et puis, un changement de vision de l'enfant. A la fin des années 70, on ne le conçoit plus comme un adulte miniature, mais un être que le jeu structure. En équitation, cela s'est traduit par une pédagogie où il n'importe plus tant d'enseigner la technique que de participer au développement du jeune. Je l'ai bien vu, j'ai été membre de la commission pédagogique de la Fédération française d'équitation. L'enfant est placé au centre, l'équitation devenant un moyen de développer la latéralisation, la proximité avec la nature, etc. On a alors conçu des activités ludiques utilisant le cheval. Et les poneys, dont la taille est adaptée à l'enfant, ont alors commencé à déferler sur le monde équestre au point de le faire vivre.
Vous semblez regretter cette démocratisation...
Je regrette que l'équitation se soit popularisée au prix d'une entrée dans un système marchand et surtout de la mercantilisation de son enseignement. Jusque dans les années 70, les centres équestres étaient des associations loi de 1901, à but non lucratif. Aujourd'hui, ce sont en grande majorité des sociétés privées, sur le modèle des clubs de gym. Les cavaliers sont perçus comme des clients, et les centres comme des prestataires de service. On segmente l'offre pour conquérir de nouvelles niches. Des centres équestres proposent ainsi leur service à des enfants de deux ans, d'autres visent les plus de 60 ans, pour des promenades «au pied du cheval». Le succès du poney est lié à cette économie : il ne coûte pas cher à l'achat, il mange peu et peut vivre dehors, à la différence du cheval. L'approche pédagogique évolue ainsi en fonction de la demande. On se met à l'écoute de la société du risque zéro et on cherche donc, bien logiquement, à disposer de chevaux sélectionnés pour leur placidité. Autrefois, le cavalier devait «faire montre de son courage». Certes, cette marchandisation a aussi des effets positifs: renforcement de la sécurité, diversification de l'enseignement et amélioration du matériel.
Les jeunes sont séduits, et surtout les filles. Pourquoi ?
Il y a en effet une formidable féminisation de l'équitation, au point que c'est le sport le plus féminin en nombre de licenciés. Les filles sont particulièrement nombreuses dans la tranche des 10-15 ans, mais elles sont majoritaires à tous les âges, sauf au plus haut niveau des compétitions, qui sont mixtes d'ailleurs. C'est comme s'il existait là le même «plafond de verre» que dans le monde du travail... Les femmes ont toujours été acceptées dans le monde de l'équitation. Mais c'est seulement dans les années 30 qu'il a été admis qu'elles montent à califourchon et non plus en amazone. A cette même époque, elles n'ont plus eu besoin d'une autorisation spéciale pour porter le pantalon, interdit aux femmes en France, et dans plusieurs pays d'Europe...
La féminisation de l'équitation n'est-elle pas une expression de libération sexuelle ?
Il y a une association forte entre cheval et sexe. Monter à califourchon, c'est monter «en homme» et la pratique a longtemps été jugée indécente pour une femme, un peu comme si le cheval devenait alors un partenaire sexuel. Le psychanalyste Bruno Bettelheim dit que l'équitation, pour les filles, assouvit une pulsion sexuelle inconsciente, celles-ci ayant quelque chose entre les jambes. On évoque des orgasmes. Fantasme ? C'est une question qui reste taboue. De même que celle, pour les hommes, de la douleur testiculaire que peut engendrer l'équitation, surtout le saut, et des multiples façons de s'en protéger.
Le «changement de sexe» de l'équitation change-t-il sa pratique ?
L'entrée des femmes dans le monde équestre a certes introduit une approche plus sentimentale du rapport à l'animal. Surtout avec les petites filles. Elles trouvent là l'occasion de faire du nursing, passant beaucoup de temps à bichonner leur poney, ce qui ne participe pas d'ailleurs de leur émancipation mais du renforcement des stéréotypes de l'éducation des filles. Mais cette approche affective du cheval ne vient pas de la féminisation de ce sport, mais d'une évolution générale, dans nos sociétés, du rapport à l'animal. Et surtout à l'animal domestique. On le considère comme un égal, on souffre avec lui, on refuse son asservissement. Or l'équitation repose fondamentalement sur une instrumentalisation du cheval. Le cheval est respecté, mais soumis. Si l'on refuse cette domination, si on le considère comme un ami, on n'acceptera plus de lui faire prendre des risques, de l'enfermer, de le stresser, bref de le monter. On peut se demander si on ne va pas vers la fin de l'équitation, le cheval devenant un animal de compagnie.
Catherine Tourre-Malen est l'auteur de Femmes à cheval, Belin, novembre 2006, 20 €.
Vendredi 15
Jussel
Il pleut, il pleut, il pleut. En attendant que ça passe un peu pour pouvoir seller les chevaux et prendre la route, on est sous la tente. Au Clot du Dou nous avons rencontré un jeune couple hollandais, Elsevire et Ralf, qui vivaient dans une petite roulotte de bois construite par lui, avec un chien et un chat. Il nous ont offert un dîné au coin du feu avec vue sur les montagnes et la tisane dans la roulotte, très sympa! Quand on s'est croisé, nous avec nos chevaux et eux avec leur roulotte, on s'est dit, "tient, des gens comme nous!", et on a partagé nos rêves le temps d'une soirée. Le lendemain nous attendait une belle promenade toute bien balisée jusqu'à La Bréole, où nous avons trouvé un grand prés clôturé pour les moutons qui convenait parfaitement à nos chevaux. La Nina cette nuit là n'a pas dormi tranquille, elle est habituée à les avoir sous l'oeil près de la tente, et là, le terrain était trop grand, il fallait qu'elle les surveille plus, ses chevaux! Après une nuit bien arrosée nous sommes repartis dans le gris toujours sur ces sentiers pour vtt bien balisés. Maintenant le paysage devant nous s'écrase toujours un peu plus et les chemins sont larges, plats et indiqués, ça fait du bien! Ma soeur Isabelle avait raison, c'est ce qu'il nous fallait pour reprendre courage: on peut enfin monter à cheval, allonger le pas, et on avance bien plus vite! D'un autre côté, fini la liberté qu'offre la montagne, il faut discuter avec les paysans pour passer la nuit dans un morceau de terre herbeux. Hier soir, après une interminable traversée de pommiers et poiriers, nous cherchions un coin pour le bivouac mais il n'y avait que les fruitiers et pas un brin d'herbe.
A sept heures et demi, le gris de la journée commençait à s'assombrir, et il n'y avait toujours rien. Nous découvrons enfin un coin avec des noyers et de l'herbe dessous, nous y attachons les chevaux pour aller frapper aux portes des maisons voisines demander la permission d'y passer la nuit. Quand nous trouvons la grande ferme du propriétaire, sa femme nous refuse l'hospitalité pour les chevaux, dit que l'herbe lui sert pour les moutons, n'a pas de foin à nous vendre et nous étions prêt à reprendre la route quand arrive son mari un peu plus généreux qui trouve un bout de terre à nous prêter, malgré le regard désapprobateur de sa femme. Ce matin il nous porte un petit sac d'orge et quand nous lui demandons le prix du grain, il nous répond qu'il suffit que sa femme ne le voit pas, et c'est cadeau!
Il pleut toujours, il faudra bien se décider à partir sous l'eau, ça n'a pas l'air de vouloir s'arrêter, et nous ne pouvons pas rester ici plus longtemps au risque de créer une crise conjugale... La pluie jusqu'à maintenant nous avait toujours plus ou moins précédée, c'est une des joies de la randonnée qui nous avait été épargnée mais on n'y échappe pas! La tente flottante et les habits trempés, je crois qu'on ne saura apprécier certaines
choses qu'à la fin du voyage, quand on y pensera au chaud dans le salon.....mais quand arriverons-nous?
Samedi 16 septembre
Chatillon (Massif de Ceüse)
Nous sommes repartis hier sous la pluie et toujours sous la pluie nous sommes arrivés après Tallard vers un centre équestre que nous avait indiqué un tueur d'animaux aux blagues un peu lourdes sur la chair tendre de mes poulains... Le centre en question n'était pas à la portée de notre porte-monnaie, et nous sommes allés faire notre habituelle demande un peu plus loin, près du château de la Croix où Jean-Michel, éleveur de chevaux, nous a trouvé un prés pour la nuit. Nous avons montés la bâche en prolongement de la tente dans l'espoir de pouvoir cuisiner et manger sans se mouiller, mais la toile qui commence à trouver le voyage long, au lieu d'être imperméable transforme les petites gouttes de pluie en de grosses gouttes... Un peu tristes et humides, nous partons chercher une fontaine pour remplir nos bouteilles, et en passant près du château, un heureux hasard nous fait frapper à la bonne porte.
Laurent nous ouvre sa maison et avec le sourire et la convivialité propres aux gens de montagne il nous offre à dîner des tomates farcies, nous laisse prendre une bonne douche chaude et nous fait passer une agréable soirée au sec et en bonne compagnie. Le lendemain matin on aura même droit au petit-déjeûner, et on profite de ses connaissances de guide de montagne pour nous faire indiquer le meilleur itinéraire à suivre. Merci Laurent et petit Tristan! D'ailleurs à propos itinéraire, pour de nombreuses raisons nous reprenons plus ou moins le projet initial qui est celui de passer à l'Ouest de Lyon, on évite ainsi Le Vercors et La Chartreuse pour suivre ce qui nous semble le plus simple et rapide: la vallée de la Drôme, traverser le Rhône, le parc du Pilat, les monts du lyonnais, et voilà!
Depuis le château nous sommes repartis toujours vers l'ouest en direction du massif du Ceüse que nous avons rejoint par une superbe piste dans la forêt. Pour la nuit il y a une belle herbe verte abondante, Riccardo n'a pas pu s'empêcher de monter une clôture énorme, il ne pourront pas finir toute l'herbe, mais au moins ils seront à l'aise. C'est vraiment pratique la clôture, pas seulement pour tenir ensemble les chevaux et éviter
qu'ils s'éloignent, mais aussi pour délimiter là où ils peuvent manger. Ici c'est plein de champs de luzerne, si on les laissait libres, on verrait arriver des coliques et des paysans en colère... Et puis eux aussi on dirait qu'ils aiment bien rentrer dans le parc le soir, ils s'y sentent peut-être un peu comme chez eux, s'il y a beaucoup d'herbe ils vont y jouer, s'il y en a moins ils se battrons, c'est leur lieu de détente! Et comme les chevaux sont assez habitudinaires, le petit fil blanc qui les entoure devient leur point de repère dans des lieux différents tous les soirs, comme pour nous notre tente orange est un chez-soi itinérant.
Mardi 19 Col de Carabes
Bienvenu dans la vallée de la Drôme, on vient de passer le panneau, on y est! Dimanche nous avons fait une étape principalement sur goudron, mais sur les petites routes il y a très peu de circulation. C'est Rey qui a pris la tête, alors tous derrière à accélerer le pas ou a trotter, on a fait un bon rythme! Le soir on arrive à l'aérodrome d'Aspres-sur-Buëch, un grand haut plateau herbeux. Malheureusement l'herbe est sèche et rase, on se croirait dans la savane, les chevaux devront se contenter de peu.
Leur maîtres aussi d'ailleurs parce que les provisions sont finies, le dimanche tout est toujours fermé, alors ce soir là, en belle équipe unie que nous sommes, tout le monde se serre la ceinture!
Du coup le lendemain on arrive en demi-étape jusqu'à un joli centre équestre (Istresmont) où on s'arrêtera là pour la journée, offrant granulés et foin luzerné aux chevaux.
Céline, la monitrice, nous invite gentiment chez elle, et nous conduit refaire les provisions
nécessaires. C'est Riccardo qui fait le cuisinier italien pour la soirée, et le lendemain on profitera de la
commodité du centre pour recoudre le matériel, faire des modifications et graisser le cuir, le temps que le linge finit de sécher. C'était pratiquement une journée de pause répartie sur deux demi-journées, pratique et efficace! On repart donc du centre dans l'après-midi, mais le GR que nous suivons qui monte au col de Combes (1 413 m) n'est pas adapté au cheval, très raide, ils glissent dans la montée et de gros cailloux roulent, sans compter que les arbres étroits arrachent les sacoches au passage...
On se croirait comme au bon vieux temps dans l'Appenin! Heureusement on arrive tous sans problème, il faudra juste recommencer à réparer les sacoches qui étaient étincelantes quelques heures avant! Au col de Carabes on croise de sympathiques bergers qui nous indiquent un point d'eau et nous proposent de nous arrêter près de leurs moutons. Il reste un peu d'herbe, ça ira pour cette nuit. Le soleil est en train de se coucher, il ne faut pas tarder à monter le bivouac parce que quand il disparaît, tout se remplit d'humidité et la température descend vite!
Nous apprenons ce soir là la triste nouvelle de la mort de la jument de Flo, la pauvre Quéteuse, survenue dans des circonstances étranges. On partage leur tristesse et attend leur prochaine venue pour les soutenir un peu dans ce moment douloureux. Courage Flo!
Nous sommes un couple d'un certain âge, mais très normaux. Nous avons choisi de quitter le monde des affaires pour commencer à vivre celui de nos rêves en voyageant à cheval comme des pèlerins. Nous n'avons aucune croyance religieuse formelle, mais nous partageons l'envie de voir le monde et le besoin de connaître et de participer au monde dans lequel nous vivons.
Depuis 2005 nous avons réussi deux pèlerinages à cheval. La première randonnée équestre nous a conduit sur le Chemin de Saint Jacques sur plus 1500 kilomètres du Puy en Velay en France jusqu'à Saint Jacques de Compostelle en Espagne. La deuxième randonnée équestre a conduit nos pas jusqu'à Rome en emprûntant la Via Francigena sur 2000 kilomètres.
Nos chevaux, deux trotteurs du nord de la France, ne sont pas les montures idéales pour d'aussi longs voyages. Mais chevaux dévoués, ils nous ont permis d'aller jusqu'au bout et nous ne pouvons plus imaginer un autre pèlerinage sans eux.
L'année prochaine nous voyagerons à nouveau le long de la via Francigena, mais à vélo. Notre intention est d'écrire un guide détaillé pour les cyclotouristes, les marcheurs et les cavaliers randonneurs.
Après cela nous planifions d'aller jusqu'à Jérusalem, en suivant à nouveau les itinéraires antiques des pèlerins.
Thierry Posty nous confie aujourd’hui sa passion et son curriculum équestre impressionnant. Au premier échange le voyageur acceptait de nous communiquer les informations nécessaires à la rédaction d'une trop courte présentation tant il est impossible de résumer en quelques lignes 30 années d’une vie aventureuse parcourant à cheval la planète à la rencontre des gens qui la peuplent et de leurs difficultés avec comme motivation l’aventure bien sûr mais aussi la volonté de contribuer à les aider.
Voyage à cheval en Amérique du Sud
L'idée de ce voyage s'encre dans mon dernier voyage. Il y a 10 ans, j'ai voyagé en Amérique du Nord, Centrale et du Sud. En Colombie j'ai traversé les Andes à cheval et pendant ces trois jours j'ai pu apprécier une vitesse de croisière agréable qui permet d'avoir suffisamment de temps pour apprécier le paysage et connaître les habitants.
J'ai depuis longtemps l'idée d'entreprendre un voyage à cheval et avec l'inspiration de mon frère, je me suis décidé relativement rapidement de faire ce voyage avec lui. L'Amérique du Sud est pour moi, après mes voyages répétés aux Indes (3 ans au total) une nouvelle découverte.
D'après un message du Suisse André Fischer
En avril 2004, André Fisher décidé de réaliser son rêve, voyager à cheval du sud de l'Argentine jusqu'au Costa Rica.
Après avoir passé quelques heures sur l'Internet pour visiter thelongridersguild.com et peu après sur worldtrailrides.com, l'information et les carnets de voyage qu'il a lus et relus l'ont motivé encore plus pour entreprendre son voyage à cheval. Laissons André Fischer présenter son aventure.
En Suisse à Oberrüti dans le canton Argovie, à la ferme de mes parents, nous avions des chevaux. Mais monter seulement quelques heures deux fois par semaine ne peut pas être comparé à un voyage sur une longue distance. J'ai appris beaucoup en attendant, d'une part sur le travail avec les chevaux et d'autre part sur l'Argentine et ses habitants.
André nous a envoyé de message daté du 29 août 2006: Actuellement je fait une pause de 5 jours dans la province de Tucuman. Corazón et Torito sont en forme et provitent de retrouver de l'herbe verte dans le jardin de la République. Depuis le 24/082006, nous avons parcouru 5000 kilomètres nous et sommes encore en Argentine. Pour pouvoir imaginer cette distance dans des régions mieux connues, elle correspond à la distance qui sépare Gibraltar de Moscou parAmsterdam ou celle de New York jusqu'à Los Angeles. Je remercie tous mes nouveaux amis Argentins qui m'ont aidé sur ce chemin. Naturellement, je remercie aussi mon frère, qui a partagé avec moi le début de l'aventure. Commencer à deux un tel voyage a été sûrement plus simple que seul. Et mon plus grand remerciement s'adresse naturellement à mes deux meilleurs amis Corazon et Torito, sans eux j'aurais dû marcher en pôrtant les bagages sur le dos… Mercredi, nous reprenons la route pour les derniers 600 kilomètres jusqu'à la frontière bolivienne. Dans la région de Los Pocitos je chercherai un bon endroit pour mes chevaux… afin qu'ils puissent se reposer pendant les 2 prochainss années. En 2008 je pense reprendre le voyage avec eux, en direction du Costa Rica.
Avec mes deux meilleurs amis (Corazón et Torito) nous avons déjà parcouru presque 4400 kilomètres, après avoir commencé le voyage le 9 février 2005 à Rio Turbio (sud-ouest de la Patagonia). Mon frère Erich et ses deux chevaux, Poroto et Mano Fino m'ont les accompagné les 3 premiers mois. Après une pause pour l'hiver, Erich a décidé de ne pas continuer le voyage et ainsi avec mes chevaux j'ai continué dès le 15 octobre 2005 pour la deuxième étape.
En janvier j'ai décidé de faire une nouvelle pause de 3 mois, les chevaux n'avaient plus de réserves après un hiver très dur et très long en Patagonie et les deux Criollos avaient besoin de temps pour récupérer. Le 18 avril de cette année nous avons repris le voyage pour parcourir l'étape 3, Corazón et Torito portaient 30 à 40 Kilos de plus. Actuellement nous passons des courtes vacances et continuerons avec la dernière étape pour cette année, qui nous conduira vers fin septembre jusqu’à la frontière bolivienne.
Après deux années de congés sabbatique, je chercherai une activité pour retrouver le monde du travail et planifierai la suite tour pour 2008 jusqu'au Costa Rica. Naturellement avec mes deux meilleurs amis — Corazón et Torito. Récemment un Gaucho a dit : "Tu dois être une personne patiente…" Et je pense que c'est vrai, parce qu'un voyage à cheval n’a rien a voir avec la vie quotidienne agitée, à laquelle beaucoup d'humains sont soumis et où tout aurait dû être fait déjà hier. Voyager avec des chevaux dépend trop fortement de l'état des chevaux, des difficultés du chemin et des possibilités de trouver le fourrage et de l'eau.
Qui trouve cette paix ou qui l'a déjà, aura beaucoup de plaisir de voyager à cheval.
À cheval à travers un des plus hauts déserts de la planète
Dans le grand nord chilien, aux confins de la Bolivie, se déploie un des plus hauts déserts de la planète, un des plus captivants aussi. Une expédition hors du commun permet de découvrir l’altiplano minéral: steppe odorante, cactus géant, canyons profonds, oasis miraculeuses et luxuriantes, vallées du Rio Loa ou du Rio Salado, minuscules villages où la vie s’organise autour de cultures irriguées à Toconce et Caspana, troupeaux de lamas à Vegas de Turi, comme à l’âge d’or du peuple “atacameño” avant sa conquête par les Incas… le tout sous la protection des volcans aux cônes parfaits de la cordillère.
L’atterrissage à Calama (alt. 2 250 m), donne la dimension gigantesque de la mine de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata. À quelques encablures de là, le village de Chiu-Chiu abrite la plus ancienne église du Chili : murs blanchis à la chaux, portes en planches de cactus liées par des lanières de cuir, plafond en bois de cactus… Au petit matin, la cloche teinte rassemblant les fidèles, et symboliquement donne le départ de notre expédition qui nous mènera jusqu’à San Pedro de Atacama. Cette traversée de quelques 300 kilomètres commence par celle d’une plaine aride sous la protection des volcans San Pedro (6 145 m) et San Pablo (6 092 m). Cet étrange désert paraît fabriqué de pierres, de poussières, de rares touffes d’herbes que la lumière illumine. Et pourtant, comme un secret bien gardé, il dissimule des oasis miraculeuses au creux de canyons profonds. Nous longeons l’un d’entre eux : le Rio Salado où l’eau ruisselle en créant un pâturage où se retrouvent canards et troupeaux de lamas. Après le passage du Pont du Diable, notre chevauchée nous conduit au nord, vers les grands volcans, en suivant la spectaculaire cassure du Rio Salado jusqu’à son confluent avec le rio Ukulunche. Ample vallée entre des parois érodées, oies sauvages, ânes sauvages, vizcaches qui se réfugient dans les rochers. Puis le canyon se resserre, devient pur minéral et, passé un verrou rocheux, débouche dans une immense plaine verdoyante où paissent des troupeaux de lamas, chèvres et brebis : les Vegas de Turi, fond humide d’un ancien lac. La pampa de Cupo est vaste mais le terrain miné de galeries de rongeurs ne permet pas d’allures vives.
Là bas nous sommes loin, loin du monde… la vie s’accroche dans de petits villages où s’éparpillent quelques maisons d’adobe aux toits de chaume. Comme l’est ce village de Paniri, au pied du volcan du même nom, symbole de résistance des Atacaméens aux Espagnols, ceinturé d’un immense mur de pierre. Ses corrals de pierres sèches pour les lamas – que nous utilisons pour les chevaux-, ses cultures irriguées et quelques arbres fruitiers et peupliers sont une partie de ce trésor d’histoire. Anciennes maisons troglodytes transformées en tombes, sources d’eau limpide dissimulées pour résister à un siège, oratoire dédié à la vierge qui siège au côté de celui dressé en l’honneur de toutes les religions du monde… autrefois la vie y était dense.
Après les soins donnés aux chevaux, fourbus de cette longue étape, un match de foot s’improvise à 3460 mètres entre quelques cavaliers et les travailleurs qui restaurent le système d’irrigation. L’issu du match importe peu, seul compte la rencontre et la fête de la victoire que chacun pense avoir emportée. Pisco sour, vins chiliens, mouton grillé ; danses du Taureau et autres quecas au son des guitares et flûtes.
Notre expédition, après un dernier adieu à Adriana, mère et grand mère de la dernière famille vivant toute l’année à Paniri, reprend son cheminement à travers une étrange forêt de cactus, silhouettes hérissées sur fond de volcans. Franchissant les cassures telluriques qui entaillent l’altiplano les chevaux rejoignent le village de Toconce, situé en terrasse au-dessus de la confluence de trois canyons qui entaillent le tuf volcanique ocre, orangé et rose. Amphithéâtre flamboyant au coucher de soleil. Ce soir là, nous installons le bivouac sur les terres de Firmin, qui se dit chamane, éleveur de chameaux qu’il aurait fait venir d’Arabie Saoudite, dont les bras auraient enlacé quelques 800 femmes, dont les multiples métiers l’ont conduit en Bolivie sur les pistes de la contrebande… et quelques verres plus loin le récit de ses exploits entre rêves et réalités hantera nos rêves. Et comme à chaque fois au matin, nos hôtes défilent fièrement dans leur village sur nos montures et retrouvent leur âme cavalière. Au pas des chevaux, les femmes conquises sortent des maisons, quittent les champs, les enfants dans les bras et encouragent leur gaillard d’homme.
Quitter ce village revient à nous confier aux qualités de nos chevaux Criollos, car il faut entreprendre l’impressionnante descente dans le canyon du Toconce dont nous suivrons ensuite les méandres avec émerveillement. Entre des parois de grès verticales, suivant le fil de la rivière, nous galopons sur les plages ou dans l’eau jusqu’à une source d’eau chaude, espèce de jacuzzi naturel. Puis alternant les allures, nous atteignons au couchant la vallée de Caspana qui déploie ses arbres et ses belles cultures en terrasses autour d’un village aux maisons de pierre (liparite) et toits de chaume. Sur l’autre rive le vieux village d’adobe autour d’une très belle église. Le camp est établi pour deux nuits au bord d’une petite rivière, au fond de la vallée verdoyante et accueillante pour les chevaux.
Alors commence, toujours vers le sud, une longue journée sur le chemin de l’Inca en autonomie avec nos chevaux de bât dans une solitude magnifique. De nouveaux volcans défilent à l’Est, la vaste plaine traversée de petits ravins et de profondes quebradas, est fermée à l’horizon par un relief de vieilles montagnes et insensiblement nous gagnons l’altitude de 3 650 mètres. Pour la nuit, plongée dans un vaste amphithéâtre rocheux au creux duquel se niche une estancia abandonnée : Lari. L’eau affleure à même le sable, des buissons pour le feu, des corrals pour les chevaux, des murs d’adobe pour s’abriter.
À plus de 3 000 m d’altitude avec un air très sec, les bivouacs s’installent souvent proches de ces petits villages, parfois au pied d’un pukara (forteresse atacaménienne) dans une lande odorante de “ricarica”. Et toujours, nos nuits sont la tête dans les étoiles sous le halo lumineux des Nuages de Magellan et la grande constellation du Scorpion! Mais ce soir là, le sentiment de solitude d’une tribu nomadisante, prend sa dimension parfaite.
Hommes et chevaux franchissent l’altitude maximale de la randonnée : 3 800 mètres, là où vivent discrètement les farouches guanacos et vigognes. Le plateau, parsemé de touffes d’herbes drues, se termine par une falaise abrupte. L’horizon s’élargit sur un vaste paysage de draperies minérales vertes, violettes, ocres et noires qui plongent vers la vallée de Turicapa. Le chemin de l’Inca devient sentier et lacets innombrables pour rejoindre une altitude plus hospitalière et une vallée de repos, de pâturage et d’eau qui court. Étrangeté de ce cheminement historique, fait de montées et de descentes abruptes et de la traversée rigoureusement rectiligne d’un plateau austère, peuplé d’ânes sauvages. Le tracé du chemin se termine brusquement à l’aplomb d’une large vallée : le Rio Grande. Nous dominons les lointaines oasis de San Pedro et Toconao et la blancheur éclatante du Salar d’Atacama gardé par le volcan actif du Licancabur (5 916 m). Et, bien sur, San Pedro de Atacama, que nous atteindrons 3 jours plus tard, au fil des méandres du Rio Grande où se baignent chevaux et cavaliers, à travers quelques plateaux de rocailles. Les parois abruptes du canyon dissimulent une grande quantité de pétroglyphes représentant pour la plupart des lamas et leurs bergers. La vallée s’élargit enfin, le sentier devient piste, propice à de belles galopades, et passe au pied de la célèbre Pukara atacaménienne de Quitoravant avant que naisse San Pedro de Atacama.
De galops suave en canters délicats, de pas vertigineux en traversées de forêts de cactus, de pueblos ancestraux en bivouacs sauvages…, notre petite tribu nomadisait, le temps d’un instant trop bref, dans les hautes terres de l’Atacama. Loin du tumulte, à l’allure du soleil, 18 chevaux, 15 cavaliers, 2 cuisinières toutes faites de sourire et d’enthousiasme, 2 musiciens dont l’écho résonne encore à Rio Grande construirent un moment d’éternité et de bonheur.
Il est de cette expédition comme d’un hymne à la liberté, la générosité, la fraternité et la simplicité…
Nos chevaux Criollos mélangeaient juments, entiers et hongres dans une homogénéité paisible et tous partageaient deux qualificatifs : sûreté du pas et générosité des allures. Leurs propriétaires et notre logistique sont trois frères — comme autant de centaures !! — et leurs femmes. Anne Mariage avait réuni autour d’elle des cavaliers d’expérience à la personnalité riche et à l’âme voyageuse auxquels elle me proposa de me joindre. Sa longue expérience des chevauchées au long cours s’est traduite par un parcours exceptionnel de beautés, de solitude, de rencontres insolites, de barrancos secrets, de bivouacs chaleureux… Partir du village de Chiu Chiu dont la piste principale mène à la plus vieille église du Chili, pour rejoindre, via le pont du Diable et les sources de Turi, le village de Paniri au pied du volcan du même nom ; rencontrer à Toconce, Firmin, à moitié poivrot et à moitié chaman mais certainement homme de malice et de parole ; admirer le travail des maçons qui bâtirent le vieux village de Caspana ; se perdre dans les canyons et corrals de Lari ; chevaucher sur la piste dallée par les Incas ; galoper jusqu’à San Pedro de Atacama…
Le temps de cet instant hors du temps, nous étions un peuple cavalier sur le chemin de l’Inca…
Le 06 novembre 2002 Eduardo se trouvait à Cuenca en Équateur vers Guayaquil, il avait déjà parcouru plus de 6500 kilomètres en traversant l'Argentine, la Bolivie et le Pérou. Après un silence inquiétant de plus de deux ans, nous venons d'apprendre (22 novembre 2004) qu'Eduardo est arrivé à la frontière du Mexique et des États-Unis ! Les cavaliers Raul et Margarita Vasconcellos l'ont conduit sur dix-huit cent milles jusqu'à Laredo lui apportant aide et conseil.
Rappelons que Raul et Margarita Vasconcellos ont voyagé de l'Arizona jusqu'en Argentine à la fin des années 1980.
Il a d'abord mis le cap sur Cuzco, pour arriver le 22 février à Puno au bord du lac Titicaca, Pérou. À Desaguaderos, les chevaux ont dû passer les examens phytosanitaires avant de quitter l'Argentine pour la Bolivie. Il a déjà parcouru environ 3700 kilomètres, traversant les pampas salines, les yungas (vallées chaudes en Bolivie, en Équateur et au Pérou), des forêts et des altitudes de 4600 mètres. Eduardo a voyagé à travers le Pérou par Cuzco, Abancay, Ayacucho, Lima, Huasura, Trujillo, Calar, Zarumilla, avant de poursuivre par l'Équateur.
Cette traversée bénéficie de la reconnaissance institutionnelle du Ministère d'Argentine, des organismes officiels et traditionalistes, des particuliers. C'est en Bolivie qu'il a obtenu la plus grande reconnaissance, surtout à Potosi et à La Paz.
Son aventure est soutenue par les presses locales, radios, journaux et télévisions. En Argentine, des films ont aussi été diffusés à la télévision, des annonces ont été faites à la radio et dans la presse écrite.
Alberto Díscoli, le frère d'Eduardo, lui apporte l'appui logistique nécessaire à la réussite du voyage.
par Josiane Gallemaers
En déposant le livre sur ma table de chevet, je frotte mes yeux qui brûlent tant ils sont fatigués. J’hésite à commencer un autre bouquin, l’heure tardive de la nuit me rappelle qu’il faut se lever tôt et qu’il est plus raisonnable d’arrêter la lecture.
Ces livres entassés les uns sur les autres à côté de mon lit, je les lis et les relis depuis mes quatorze ans et je ne me lasse pas de rêver de ces voyageurs qui abandonnent tout ou presque pour visiter la planète à dos de cheval. Ma collection s’agrandit au fur et à mesure qu’un ouvrage montre sa face dans une librairie. Mes petites finances d’adolescente me faisaient fouiner sur les brocantes à la recherche d’un ouvrage bon marché.
Depuis tant d’années, un projet semblable me trotte dans la tête. Souvent le moment n’était pas opportun. On ne quitte pas ses parents à quatorze ans, ni à seize d’ailleurs. Du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre. Le mariage et les enfants n’aident pas à cette réalisation qui ne quitte pas ma caboche. À vingt ans, je me retrouvais coincée par ma vie familiale et je m’obligeais à ne rêver plus que par les livres, documentaires et films d’aventure.
Pourtant ce soir, je sais que ce rêve va se concrétiser. Il manque quelques mises au point mais il faut que j’accomplisse ce voyage auquel j’aspire depuis toute jeune.
Partie de Namur en Belgique en direction du Portugal, commençant par le côté ouest de la France, puis continuant par le nord de l’Espagne, voici cette boucle de 7000 kilomètres. Au fil des saisons, au pas d’un cheval, au gré de mes envies, et de mes rencontres…
Josiane force l’admiration. Au début de cette histoire, elle est mariée avec un gendarme, elle élève deux filles qui approchent de l’adolescence, elle vit à la campagne avec un chien et deux chevaux, le ménage ne roule pas sur l’or, bref, elle est dans la pire des configurations pour vivre l’aventure, apanage comme chacun sait des jeunes, des célibataires et autres électrons libres de notre société. Et tranquillement, pas à pas, elle réussit ce tour de force de tout organiser, sa vie et celle de sa famille, pour accomplir un vieux rêve d’adolescente qui traînait dans un recoin de son imagination : une boucle en solitaire de sept mille kilomètres à travers la France, l’Espagne et le Portugal, avec sa jument Karamelle et son chien Douro.
Oser faire confiance à la vie
Voilà ce qu’a fait Josiane lorsqu’elle a décidé d’entreprendre un voyage à cheval en France, en Espagne et au Portugal. Ce n’était pourtant pas si évident !
Comment convaincre un mari de la laisser partir seule sur les routes si longtemps ?
Comment déculpabiliser devant l’abandon de deux filles en âge scolaire ?
Comment s’organiser ?
Quoi répondre aux donneurs de bons conseils ?
Comment ignorer la trop bonne société moralisatrice et conformiste ?
Comment croire en la capacité de son homme et de ses filles à se gérer pendant son absence ?
Comment croire en sa propre capacité à gérer le quotidien d’un voyage, ses difficultés, ses coups durs, son isolement, ses pensées ?
Comment ?
Eh bien, Josiane a osé. Elle s’est préparée et elle est partie. Ce courage-là mérite un coup de chapeau, un grand. Mieux encore : elle est revenue plus belle, forte de la réalisation, de l’amour de son homme, de l’autonomie de ses filles, consciente, apaisée. Quand on a une aspiration profonde en soi, il faut savoir s’écouter et agir. Merci, Josiane, de l’avoir osé.
Voyage pour des enfants
L'aventure, le livre et l'association
Karamelle s’appelait à l’origine Graine de Folie. « C’était une petite furie » paraît-il. Il fallait quelqu’un de la trempe de Josiane pour réussir à lui mettre un peu de plomb dans la cervelle. Mission accomplie : j’ai pu vérifier moi-même l’excellence de cette jument sur un parcours de plusieurs centaines de kilomètres. Cette relation de l’auteur avec sa monture ne fut pas simple. Sa description sans concession donne une saveur particulière à ce récit. Peu de cavaliers sont capables d’une telle franchise. Mais Josiane est une femme de vérité qui n’écrit pas pour son image. Et c’est là une deuxième vertu de ce livre. Le lecteur se retrouve devant un personnage avec ses forces et ses faiblesses, dans la réalité pure et dure du voyage avec un cheval, qui, comme chacun sait, est un exceptionnel condensé de vie et de situations inédites. Grandeurs et bassesses, beautés et misères, générosité et mesquineries se côtoient, parfois au quotidien, mais toujours sur ce fond de vaillance qui va parfois jusqu’au courage, ce renoncement qui flirte souvent avec l’abnégation et cette détermination sans faille qui emmènera le couple au terme de son cycle par delà tous les obstacles.
Graine de folie n’a-t-elle pas transmis à sa cavalière le gène fatidique ?
On découvre au fil des pages que Josiane est à la fois cette bonne fille sensible à l’opinion des autres et la rebelle qui se moque du qu’en dira-t-on, que dans un contexte très conventionnel, elle est capable de réaliser des projets complètement excentriques, qu’elle déclare détester sa jument mais qu’elle fait tout pour elle, qu’elle fait un voyage pour convenances personnelles mais qu’elle y associe non seulement sa famille mais des enfants malades à travers son association Voyage pour des enfants. En fait, Josiane déroute, parce qu’elle est comme tout le monde... sauf une exception, mais de taille : entre les rêves et la réalité il n’y a qu’un fil, et pour elle ce fil n’existe pas. Je crois que sa folie est là, dans cette sagesse oubliée : « Tout est possible, à condition de se donner les moyens de ses désirs ».
La preuve : ce voyage, ce livre, ce qui a suivi, ce qui va suivre. Car Josiane ne va pas s’arrêter là. Elle a du sang d’Ardennais dans les veines. Il paraît que c’est un des rares endroits où l’on rencontre encore des descendants d’Astérix et d’Obélix. Et puis, n’est-ce pas cette graine de folie qui fait les chevaux hors du commun et les êtres d’exception ?
La brume se dissipe doucement. Depuis plusieurs minutes, le soleil tente de percer le brouillard matinal. Le bruit des pas de Karamelle résonne dans le silence de l’aurore. Quelques oiseaux essayent un début de chansonnette, interrompue par notre passage inattendu. Un minuscule écureuil se pavane sur une branche. Il nous regarde d’un air hautain avant de s’enfuir. La forêt nous ouvre ses bras. Je reste sur les allées principales, bien droites et entretenues. Le pas cadencé de ma jument m’annonce, qu’aujourd’hui encore, elle sera en forme. Nous nous lançons dans un petit trot qui, j’en ai décidé ainsi hier, sera quasi ininterrompu durant les quinze kilomètres de beaux chemins que nous offre la nature.
Karamelle se laisse emporter par son ardeur. Je la retiens du bout des doigts, en serrant les cuisses. Une vingtaine de mètres devant nous, un chevreuil traverse le chemin d’une foulée. À peine disparu dans les sous-bois, quatre femelles et un brocard apparaissent. Karamelle relève la tête et, prise d’une envie probable de jouer, me lance un petit coup de rein puis tombe dans un galop doux et confortable. Je la laisse avancer à sa guise, lui autorisant cet instant de liberté qui doit lui manquer depuis longtemps. Au rythme des foulées, une fumée blanche s’échappe de ses naseaux. Elle glisse le long de l’encolure pour se dissiper dans notre sillage. Le vent frais caresse mon visage, rappelant que nous ne sommes encore qu’au début du printemps. Tout en galopant, je remonte la fermeture éclair de ma veste polaire. Je tire sur les manches pour protéger mes mains du froid mordant.
Les foulées de Karamelle se raccourcissent après quelques centaines de mètres mais je lui demande de garder l’allure jusqu’au carrefour suivant. Douro galope devant nous, heureux, tournant fréquemment la tête vers l’arrière, vérifiant probablement que nous le suivons bien. J’essaye de profiter le plus possible de ce moment de bonheur intense que je ne vivrai plus avant longtemps.
Nous repassons au pas. Je vérifie ma carte, laissant souffler ma monture, puis, je la relance dans un petit trot de plusieurs minutes. Douro apprécie et Karamelle le suit de bon cœur. La brume a disparu, laissant les rayons du soleil caresser le sol qui se met à fumer. Nous traversons cette forêt en un temps record. Karamelle défoulée, je me sens prête à affronter la circulation qui nous attend. Arrivée à l’orée du bois, le premier coup de klaxon se fait déjà entendre. Je mets pied à terre et oblige Douro à se coller contre mon mollet.
Nous descendons par paliers vers la vallée. Très vite, nous nous retrouvons coincés par plusieurs petits ruisseaux filant entre les rochers. Il a beaucoup plu cette dernière quinzaine. Tout est gorgé d’eau. Le sol est spongieux. Entre la rocaille, je vise le GR à moins de cinq cents mètres. Douro avance le nez au sol, renifle les crottes de moutons. J’enjambe un cours d’eau, gardant les pieds sur les pierres en surface. Nous progressons par petits bonds. Filet d’eau par filet d’eau, nous traversons cette vallée lorsque, soudain, Karamelle s’enfonce jusqu’aux genoux dans la boue. Je n’y comprends rien, je suis sur mes deux pieds, au sec et Douro gambade devant. Donnant un coup de rein, Karamelle bifurque vers sa gauche, s’enfonçant encore plus profondément. Je ne peux que la lâcher, puis l’appeler, un trémolo dans la voix :
— Kamel, Kamel, viens là.
En faisant demi-tour, la malheureuse reste coincée contre un rocher. Ses membres ne lui obéissent plus. Elle se retrouve aussitôt couchée dans la boue, les quatre jambes ensevelies. Prise de panique, elle ne bouge plus, respire fort, les yeux fixes. J’ai soudain peur qu’elle ne s’enfonce, qu’elle disparaisse sous mes yeux. Comment est-ce possible, comment en suis-je arrivée là ? Je contourne le rocher et la rejoins par l’avant. Attrapant le bout de sa longe coincée sous elle, je tire un bon coup pour l’encourager à se dégager et se relever.
— Allez, Kamel, lève-toi. Debout !
Douro est raide. Il marche sur le bout des doigts durant quelques minutes puis, échauffé, il se met à courir comme un fou. Il s’imagine des lapins et un gibier quelconque à chasser. Le chemin reprend sa forme des derniers jours : unique sentier serpentant à travers la campagne. Je suis tentée de remonter à cheval. Les pèlerins ayant passé la nuit à Los Arcos sont loin devant et ceux ayant dormi dans les villages précédents sont loin derrière. On sait le marcheur à la coquille amateur des heures matinales, réglé davantage sur le matelas à occuper le soir que porté vers la magie de l’étape. Me voilà seule au milieu des groupes. Pas de sac à dos sur Karamelle et pas de honte à me laisser porter alors que chacun marche. Je cède à mon envie.
Sitôt à cheval, Karamelle secoue la tête en émettant un petit ronronnement de contentement. À croire qu’elle attendait cela depuis longtemps ! Je lui laisse prendre le trot sans commandement. La lune éclaire légèrement le chemin, jouant à faire des ombres avec les quelques arbres encore sur pied. J’aime ce moment de liberté, seule avec la nature. L’air est sec. La jument s’est mise dans une allure confortable qu’elle ne veut plus quitter. Douro trotte devant. Ses retours étant plus courts, il fait moins de kilomètres. Le soleil se lève doucement et le chemin dévoile clairement son ruban qui se déroule à travers les champs. Karamelle allonge un peu l’allure, les oreilles pointées. Devant nous, deux sacs rouges avancent côte à côte. Douro surprend les deux pèlerins en se faufilant entre eux, sentant discrètement une main après l’autre.
Nous repassons au pas. Je reste à cheval : j’aimerais rejoindre William pour une journée encore. Doublant les pèlerins, je souhaite le « holà! » traditionnel.
— ? Dónde está el peregrino francés ?
— ! Delante, lejos !
— Gracias.
Je repars au petit trot, prise dans le jeu de rattraper William. Je double ainsi prudemment chaque pèlerin. Tous me confirment que le Français est loin devant, qu’il marche vite. À cette allure, j’espère le rattraper facilement et poursuis donc ma course.
Soudain, je me revois, quelques années auparavant, sur mon jeune Pepsi. Je me visionne suivant un parcours fléché, un dossard dans le dos, visant la première place. Je suis en pleine course d’endurance. À rattraper quoi ?... Des pèlerins !
Et quand le chemin devient tout à coup trop difficile pour rester à cheval, que je le descends en courant à côté de Karamelle, seulement à ce moment, je réalise. Je réalise brusquement ma folie, au risque de fatiguer inutilement cheval et chien, uniquement pour pouvoir parler français encore quelques heures.
Qu’est-ce qu’il me prend tout à coup ? La solitude est-elle si pesante pour rattraper une compagnie à cette allure ? Je n’en sais rien et je décide de me calmer. Karamelle ne souffle pas, ne transpire pas mais le Camino n’est sûrement pas l’endroit idéal pour jouer les marathoniens performants. À nouveau en selle, je continue au pas.
Une douche froide au jet épais me remet de mes émotions. Je me remémore Paco et Bernard qui voulaient m’aider à trouver un endroit décent pour passer une nuit. Qu’auraient-ils fait ce soir ? Auraient-ils marché toute la nuit ? J’ai failli me faire prendre. Que de différences d’accueils possibles entre deux villages ! Dans l’un, tout va pour le mieux, dans l’autre, c’est galère !
Un brusque sursaut interrompt mes pensées. Je coupe l’eau et plonge sur ma serviette et mes vêtements en même temps. Un pétard vient d’éclater. Un orage ? Des fêtards ivrognes ?
— Merde, un feu d’artifice.
Sans prendre le temps de mettre mes sandales, j’accours vers la plaine de jeu. Karamelle s’est déjà entortillée avec la chaîne autour d’un toboggan. Celui-ci, à la moindre traction un peu violente, aura vite fait de s’arracher du sol et bonjour les dégâts ! Lui faisant faire son trajet à l’envers, je démêle la chaîne. Ma Furie a les oreilles comme des radars et les yeux exorbités. Par sécurité, je lui passe son bridon pour avoir un meilleur contrôle. Les pétards n’en finissent pas. Ce ne sont pas tant les coups de lancement qui font peur au petit cheval mais les éclairs de lumières colorées et les petits éclatements à répétitions dans le ciel. Durant près de trois quarts d’heure, la fiesta de la ville se répercute jusqu’ici. S’accoutumant lentement à ce phénomène étrange, Karamelle se calme. Je ne la lâche pourtant pas d’un doigt et je fais bien car le bouquet final sera plus fort que la bonne résolution de se tenir tranquille.
Lorsque la nuit a repris son aspect normal, il est plus de minuit. Ma Furie s’est calmée. Douro a avalé sa ration et est déjà au pays des rêves canins. Au pied du gros arbre auquel j’ai fixé la longue corde, je dépose un kilo d’orge puis m’installe sur mon duvet et me restaure d’un morceau de pain d’épice.
Son picotin englouti, Karamelle me regarde. Elle se met au repos, ses jambes probablement aussi ankylosées que les miennes. Nous avons parcouru cinquante-six kilomètres dont une dizaine pour rien. J’ai marché toute la journée et mes plantes de pieds s’en ressentent. À l’aide d’une aiguille, je perce les cloques formées aux talons et au bout d’un orteil. Sans arracher la peau, je les vide de leur eau avec mon mouchoir puis enfile des chaussettes propres. La nuit est obscure et le vent qui soufflait si fort à cinq kilomètres ne passe pas par ici. Les étoiles se faufilent entre les nuages. La musique bat son plein au village. Lorsque je m’endors, il est une heure trente passée.
Laurent Granier, Philippe Lansac et Megan Son
Entre 1804 et 1805, une expédition franco-américaine traverse le continent américain pour la première fois de l’histoire. Suite à la vente de la Louisiane par Napoléon aux Etats-Unis en 1803, qui représente alors le tiers de la surface des USA actuels, le président Jefferson donne à Lewis et Clark la mission d’atteindre le Pacifique et d’explorer ces territoires nouvellement acquis. Ils remontent le Missouri puis traversent les interminables Rocheuses à cheval avant de rejoindre l’océan. Deux cent ans plus tard, Laurent Granier, Philippe Lansac et Megan Son décident de partir sur les traces de ces aventuriers…
L’expédition de Lewis et Clark arrive aux pieds des Rocheuses en août 1805 et se procurent des chevaux auprès des Indiens Shoshone. Dans notre cas, ce sont les cow-boys du Ranch de La Cense qui nous prêtent deux quarter horse pour partir à l’assaut des montagnes…
Bud, le manager du ranch nous raconte une histoire incroyable… Un dimanche de Septembre, il décide de partir à la chasse avec sa femme et 2 chevaux. Ils grimpent tranquillement dans la montagne, et vers le milieu de l’après-midi surprennent un bouquetin sauvage. Bud décide de le suivre à pieds et laisse sa femme se reposer avec les deux chevaux. Il traque l’animal pendant un certain temps avant de finalement l’apercevoir au sommet d’une pente très raide. Il part dans sa direction mais perd l’équilibre, tombe brutalement et se tape violemment le crâne sur un rocher. Il reste inconscient pendant un certain temps et quand il se réveille, il fait déjà presque nuit et la neige tombe à gros flocons… Perdant du sang, il titube dans l’obscurité avant de retrouver enfin sa femme, morte d’inquiétude. Il fait partir un feu et monte une tente de fortune avec la bâche qu’ils avaient emportée pour leur pique-nique… Ils passent la nuit, congelés, autour du feu.
Le lendemain matin, un bon mètre de poudreuse a tout recouvert. Ils prennent le chemin du retour, progressant difficilement dans la neige, puis atteignent la pente raide qu’ils avaient empruntée à l’aller : il est impossible de redescendre, la neige est trop fraîche, les chevaux vont déraper et c’est la chute assurée dans le vide… Frigorifiés et épuisés, n’ayant rien mangé depuis plus de 24 heures, ils semblent condamnés d’autant plus que Bud a perdu beaucoup de sang. Mais s’ils restent là, ils vont mourir de froid et de faim et personne ne sait où ils sont partis… Il n’y a pas d’autre choix : ils doivent descendre cette pente, coûte que coûte et faire confiance à leurs montures… Les chevaux, calmement, commencent à descendre, les antérieurs en avant, se laissant doucement glisser en diagonale de la pente. Leur dextérité est incroyable ! Par moment, ils perdent leur équilibre et se rétablissent, malgré le poids de leur cavalier. Contre toute attente, ils arrivent finalement sains et saufs au pied de la colline. Leurs chevaux les ont sauvés !
Nous repensons ce soir à l’histoire de Bud, alors que nous sommes en train d’installer notre premier campement à une quarantaine de kilomètres du col de Lehmi. A 2200 mètres d’altitude, il est situé sur la ligne de partage des eaux. Fin décembre, c’est peut-être un pari insensé que d’essayer de traverser les Rocheuses en hiver… Autour d’un plat de pâtes/ Chili con Carne en boite, nous écoutons le bruit cotonneux de la neige qui tombe en gros flocons autour de nous et les hennissements de nos nouveaux compagnons. Nate, un hongre de 9 ans, est notre cheval de bât. Il est plutôt calme en comparaison de Blackjack, un quarter horse de 4 ans qui n’est pas très à l’aise dans ce nouvel environnement à l’extérieur du ranch, tournant frénétiquement ses oreilles et sa tête au moindre bruit.
Après avoir traversé la vallée située à l’est du col, nous commençons notre ascension au rythme des pas de nos chevaux. Le sentier monte tranquillement en pente douce au milieu de clairières entourées de clôtures en bois et nous traversons de petites fermes endormies sous la neige. Les chevaux semblent heureux dans leur nouvel environnement et un grand soleil confirme notre bonne humeur !
La pente devient beaucoup plus raide sur les derniers 500 mètres. En raison de l’altitude, la neige se transforme en plaques de glace et nous devons prendre la pente de côté et avancer en zig-zag. Des boules de glace se forment sous les pieds des chevaux qui ont de la peine à trouver leur équilibre, dérapent, se rattrapent, glissent encore… Le vent se met à forcir, se transformant en un véritable blizzard. Malgré la chaleur de l’effort, nous nous gelons sur place. La neige devient de plus en plus profonde et nous nous enfonçons jusqu’au genoux. Les chevaux avancent par saccade, prenant appel sur leurs postérieurs pour avancer par bonds.
Le blizzard forcit quand nous arrivons à proximité du col. Pliés contre le vent, nous progressons péniblement, saisis par l’air glacé qui nous griffe le visage. Le paysage s’ouvre alors brusquement sur la majestueuse vallée de la Salmon. Nous décidons de redescendre immédiatement, avant qu’une tempête de neige n’éclate…
30 août 1805. L’expédition est fin prête pour remonter la vallée de la Salmon, avec la quantité de chevaux nécessaire pour transporter l’ensemble de leur matériel. Clark, qui était parti en éclaireur, rejoint le groupe avec l’information qu’il est impossible de traverser les montagnes situées à l’ouest de la vallée. Ils décident alors de prendre plein nord mais la progression est excessivement difficile : sous une pluie battante, ils doivent traverser d’épaisses broussailles, longer de profonds précipices, se frayer un passage à flanc de montagnes… Le sentier grimpe ensuite en ligne droite au milieu des montagnes et la neige glissante rend l’ascension extrêmement périlleuse…
Pour nous, le sentier vers le Lost Trail Pass est aussi un mélange de neige fondue et de glace ce qui rend l’ascension terriblement difficile pour nous comme pour les chevaux qui avancent avec beaucoup de précaution, sentant qu’ils peuvent perdre leur équilibre à tout moment… Blackjack est particulièrement maladroit au départ, mais s’adapte rapidement. Nate ne semble pas gêné le moins du monde et passe son temps à essayer de rafler quelques touffes d’herbe au passage…
Nous tombons sur des empreintes fraîches dans la neige : elles sont trop grosses pour être celles d’un chien et trop circulaires pour appartenir à un loup. Cela ne fait pas de doute, un lion des montagnes rôde dans le coin... Nous continuons à monter, très moyennement décontractés et tombons sur un chasseur patibulaire, à moitié crasseux, qui semble avoir passé un certain temps seul dans les montagnes… « Yep, vous avez raison, ce sont bien les traces d’un lion des montagnes. Je l’ai déjà repéré dans le coin : c’est une vielle femelle qui vit sur cette colline depuis plusieurs années. Elle ne va pas vous faire de mal, vous n’avez rien à craindre : elle ne chasse que de petites proies faciles à prendre. Par contre, elle risque de vous suivre par curiosité… » Le moins que l’on puisse dire, le discours de notre nouvel ami ne nous rassure pas franchement ! Quelques minutes plus tard, ce sont les hurlements des loups qui viennent compléter le tableau… Soudain Nate stoppe brutalement, imité par Blackjack. Laurent part en avant et surprend 200 mètres plus loin un aigle en train de dépecer les restes d’un bouquetin, visiblement tué quelques heures plus tôt par un lion des montagnes ou une meute de loups
Depuis le col du Lost Trail, l’expédition de Lewis et Clark rejoint Travellers’ Rest, au sud de Missoula aujourd’hui, avant de commencer à suivre le sentier des Indiens Nez Percés à travers la chaîne du Bitterroot. Pendant 11 jours, ils franchissent montagne après montagne, col après col, ravin après ravin… Un enfer sans fin. Le sentier Nez Percé est épuisant, abrupt, couverts de rochers et de troncs d’arbres. Les hommes, le ventre vide, sont épuisés et les chevaux glissent, s’entaillent les membres sur les pierres, roulent le long des pentes escarpées. Autour d’eux, à perte de vue, une chaîne gigantesque de montagnes enneigées…
A cours de provisions, ils sont à deux doigts de mourir de fin lorsqu’ils arrivent de l’autre côté de la chaîne, sur le territoire des Nez Percés. Ils continuent en canoë jusqu’au Pacifique qu’ils rejoignent après près de deux ans d’expédition…
Leur épopée deviendra un des mythes fondateurs de l’histoire des Etats Unis, expression même du « Rêve Américain ». Cet étonnant voyage ouvrira la route de l’Ouest et quelques années plus tard, les premiers chariots se mettront en route: commencera alors une des plus grandes migrations de l’histoire…
Une randonnée équestre en solitaire
Sommet d'un collet dans les Vosges
Juste après la photo, Loupp est reparti en sens inverse au galop et s'est planté devant une paire de comtois dans leur pature 3 km plus bas mais sans avoir rien perdu de son paquetage, la bride et les rênes toujours autour du cou. On aura donc fait deux fois la montée du Collet !
Presque deux années auront été nécessaires pour préparer ce voyage qui part de La Rouge Mare tout au nord du département de l’Eure pour rejoindre le cimetière du Commandant Duchesne dans les Vosges. Un des fils conducteurs de ce projet, à mon échelle du moins, était de partir de la maison. Le second concernait le choix de la destination : ce sera le cimetière militaire où est enterré depuis 1917 en pleine forêt des Vosges un capitaine de cavalerie, un de mes arrière-grands-pères.
L’idée m'est venue en lisant tous ces récits écrits par les voyageurs à cheval qui tous, reviennent avec une seule envie, celle de repartir. Mais bon sang, ça fait quoi de partir à cheval, tout seul, avec un ou plusieurs chevaux ou mules, avec ou sans même un chien ?
L’idée de partir en solitaire s’est très vite imposée comme pour mieux profiter de ce qui était avant tout mon projet. Celui de vivre pleinement avec un de mes chevaux à mon rythme, seulement pour le plaisir, pour voir ce que cela pouvait faire de mettre 23 jours pour parcourir un trajet de seulement 7 heures en voiture ! Pour vivre avec mon cheval du matin au soir (je vais découvrir que cela sera aussi du soir au matin), aussi pour vérifier que je suis capable de le faire.
Quant au choix du cheval il a été vite fait : Cheyenne atteignant ses 20 ans de labeur, il restait Loupp âgé d’à peine 7 ans. Cheval tranquille, il était encore un peu junior dans sa tête mais un tel travail devrait lui permettre de s’affirmer comme cheval de randonnée et me permettre de vérifier qu’il était bien celui pour qui je voudrais que ce soit un destin. Pas encore parti et déjà je repartais !
Loupp déferre d’un antérieur, la corne arrachée à l’intérieur du sabot provoque une légère boiterie. C’est arrivé neuf jours avant le départ, alors que rien n’aurait pu empêcher cette randonnée. Deux jours plus tard, le maréchal ferrant donne son avis « Impossible de partir, la probabilité de perdre le fer posé sur cet antérieur est trop grande ». Il pose deux fers à doubles pinçons pour compenser la perte de corne et améliorer la bonne tenue des fers.
Un truc auquel on pense tout le temps, pour lequel on attend une réponse, on se pose une question ou alors, on butte sur un problème ou un choix, on cherche une solution. Quelque chose qui vous ronge un peu entre l’impatience du départ, les solutions qui ne viennent pas assez vite, le rêve que l’on a fait et que l’on espère vrai, le souci d’arriver sain et sauf à l’arrivée.
En traçant à l’avance le trajet sur les cartes, j’imagine ce que sera ce village, cette étape, cette traversée de route, le contournement de cette ville, le passage d’un canal. Dans ces conditions, vous pourrez donc imaginer ma déception le jour ou Loupp a perdu son fer !
Le trajet tracé sur la carte et le cheval choisi, il restait à définir les conditions matérielles. Partir avec une selle anglaise est impossible, bien sûr un complément d’équitation et un entraînement physique seraient les bienvenus. Il faut aussi m’assurer du bon fonctionnement de tout l’équipage, ce sera en allant vers Caudebec en Caux, une randonnée de 5 jours.
Durant l’automne 2004, je teste les selles 3 points et j’en commande une au Salon du Cheval avec un pare sueur et un tapis de feutre. J’achète les sacoches, les fontes et le porte manteau en toile imperméable dans un magasin de sport. La briderie a été faite sur mesure il y a quelques années. Pour mieux me mettre en selle, mieux comprendre Loupp et mieux l’utiliser, je cherche aussi une monitrice particulière d’équitation, ce sera Sophie.
Au printemps 2005, Sophie me juge bon pour le départ. J’ai progressé et Loupp a améliorer son souffle et son endurance ainsi que sa concentration au travail. Il aura fallu deux à trois séances de travail par semaine pendant quatre mois ! Mes économies de RTT et mes congés ont sérieusement diminué, mais il en reste assez pour l’aller, le retour se faisant en camion, je l’avais décidé au tout début.
La pharmacie est composée par la vétérinaire attitrée avec en prime, une leçon propre à l’utilisation chaque bouteille et de médicament. Un relais de quatre vétérinaires est organisé au long du trajet. Pas question de prendre des risques pour Loupp, je sais déjà qu’il en court un majeur, celui de ne pas revenir. Je voyagerai en France au cours de l’année 2005, mais très conscient que j’engage sa vie à l’occasion d’une mauvaise rencontre avec une tonne de ferraille avinée ou encore d’une fuite incontrôlée, ou …
Pour les bagages, c’est la balance qui sera la seule juge. L’équipement, la selle, le bridon, le tapis et sangle pèsent 14 kilos, le cavalier équipé : 90 kilos, déjà 115 kilos ! Un seul rechange donc, le minimum pour la toilette tant pis pour la mine, les cartes seront renvoyées à la maison chaque semaine au fur et à mesure, seulement deux jours de nourriture sous la forme de salade en boîte, tenaille, marteau, ficelle, fil de fer, petites sangles de dépannage, appareil photo, jumelles, pharmacie, carottes, figues, abricots, sac de couchage, STOP ! Une journée de nourriture seulement car j’ai oublié le réchaud et les pastilles d’alcool, le café et le sucre en sachets individuels, les papiers de Loupp, la ligne … et tant pis pour la maréchalerie car il y a aussi une ration d’avance pour Loupp. Il reste à équilibrer la charge qui change tous les jours, chaque matin, à chaque arrêt, et à chaque ravitaillement. Chaque fois est l’occasion de savants déménagements visant à équilibrer les sacoches mais aussi à me déstabiliser lorsque je cherche quelque chose ! Le jour du départ, Loupp portera près de 130 kilos, 127 plus précisément, cavalier compris.
Au petit matin, un canal du centre que j'observe entre les oreilles de Loupp.
Matériel OK, cheval OK, itinéraire et cartes OK, quelques chemins étaient impraticables ou barrés mais les feuilles de route journalières préparées cet hiver le dos au feu (distances, vitesse, approximation des hébergements et des arrêts repos) correspondent parfaitement à ce que l’on a réalisé. La justesse de mes estimations sur ces cinq jours me donne confiance pour la trentaine de cartes au 50 millième que j’emmène et les 23 jours de voyage en direction des Vosges.
Le 24 juin au soir, je confirme les trois jours complets de repos sur le trajet avec box et confort pour la lessive, le ravitaillement et lors du dernier un contrôle maréchalerie. La ferrure de départ est en place : quatre fers à double pinçons et douze cônes tungstène. Deux petites journées de paddock permettent d’assurer l’ancrage de la ferrure et ce sera une reprise d’une courte semaine pour peaufiner la préparation physique du cheval et de son cavalier.
Quelques larmes pour la séparation, je fais face aux presque 750 kilomètres qui sont devant nous alors que je pourrais siroter un pastis sous les pommiers de la maison…
Les premiers kilomètres sont connus mais nous les parcourons comme si, en marchant l’un à côté de l’autre dans les descentes (pour soulager les articulations des antérieurs), en respectant un arrêt de 5 à 10 minutes tous les 60 à 90 minutes pour boire aux abreuvoirs – la gourde ne fait pas partie du voyage – se détendre, faire le point et aussi profiter de l’endroit.
La fin de première semaine et le début de la suivante furent difficiles. L’itinéraire qui contournait la région parisienne du Nord-ouest jusqu’au Sud-est présentait un grand nombre d’autoroutes, de bretelles, de lignes de chemin de fer, de ligne TGV, de départementales à quatre voies, à traverser, à enjamber, à contourner…
Puis il fallut traverser les plaines céréalières de l’Aube sous une chaleur lourde, sans arbre, sans bâtiment pour s’abriter ne serait-ce que 10 minutes du soleil, par des chemins herbeux et… tondus — véritables autoroutes pour moissonneuses batteuses. Lever aux aurores, pour parcourir le maximum du trajet avant le début de l’après midi.
Ensuite, ce seront les Vosges que je devinais au loin et que les passants me racontaient toutes proches depuis une semaine « Les Vosges ? Deux heures de voiture par la nationale ! ». Les descentes et les montées sont de plus en plus nombreuses et la chaleur toujours aussi forte.
Dans le moindre village, nous sommes toujours accueilli comme des rois – toujours un seau d’eau pour Loupp. En moins 5 minutes, le bar où je m’arrêtais faisait le plein de sa terrasse et le ravitaillement à la supérette se terminait toujours par un cadeau, une bière, un gâteau ou encore une part de pizza. Mes demandes pour l’hébergement journalier ont toujours été acceptées avec joie par les habitants qui venaient voir le cheval et le matériel, pour discuter aussi. Tous ces grands-pères qui se souvenaient et me questionnaient…
Et puis pour l’anecdote, dès la seconde nuit, Loupp qui était à l’attache se coucha sans rechigner. À mon réveil, quand nous couchions dans la même pâture, il était couché à trois mètres. J’ai pris cela pour de la reconnaissance – n’essayez pas de me convaincre qu’il s’agit d’un hasard après quatre nuits. Au retour, pour essayer, je me suis couché son box. Il a un peu tourné pour finalement se coucher même si je ne dormais que d’un œil.
Enfin nous sommes dans les Vosges, mais sous une pluie torrentielle ! Deux nuits et une journée en refuge passées à attendre et là, j’ai bien failli rentrer sans atteindre le but final. Le vent, la pluie et Loupp est dans une pâture sans abri à flanc de montagne. L’attente m’a offert un repos nécessaire. Nous repartons en plein brouillard mais sans pluie ni vent. Et dans ce pays où l’on monte plus que l’on ne descend, le soleil brille au travers des nuages au bout d’une heure.
Des erreurs d’itinéraire rallongent l’étape avant d’arriver en milieu d’après midi à destination chez Christine et Mario au Pré du Bois au-dessus de la vallée d’Orbey. Décharger, panser et surtout masser Loupp en premier comme d’habitude. Le box est frais, eau et foin à volonté, il ne devait rêver que de cela ! Puis pour moi, c’est le meilleur rata que j’ai pu dévorer depuis trois semaines avec du vin, du pain frais, du sel et du poivre, tout cela dehors, devant une vallée vosgienne verte mais verte encore au soleil ! Je repars à pied pour le cimetière du commandant Duchesne et retrouve la tombe de mon arrière grand-père après avoir parcouru presque tout le cimetière de long en large. Loupp n’était pas de cette dernière ballade, j’ai préféré le laisser tranquille.
Demain matin pas de départ matinal, j'en ai fini avec la seule idée des cartes, du ravitaillement, des pauses à l’ombre, de l’hébergement pour Loupp.
On a tout consommé, la pression servie par le cafetier sur le bord de la route Loupp en main, les histoires des petits vieux, le contact avec Loupp comme je ne l’avais pas du tout imaginé, les hébergements, les nuits avec Loupp, le café au réveil le matin dehors, la toilette tout nu devant l’abreuvoir…
L’arrêt est très très brutal. Je le sens très vite quelques heures à peine après l’arrivée et aujourd’hui encore j’évite de m’appesantir sur ce projet. Mais Loupp et moi l’avons fait. Loupp est sain et sauf, et c’est la seule chose qui compte vraiment. À moi de me débrouiller avec mes regrets, mes sentiments et autres sensations, fallait pas y aller !
Mais sûr, je repartirai avec Loupp.
Les premiers pionniers, venus chercher en Alaska or et fourrures, débarquèrent dans le port de Valdez, sur la côte atlantique. Ils bâtaient leurs chevaux et partaient sur le Valdez-Fairbanks Trail, unique sentier d’accès à l’intérieur de la « Grande Terre ». Devant eux : les marais, les ours, le froid… De nombreux Alaskiens vivent aujourd’hui encore comme leurs ancêtres, dans des cabanes de rondins perdues au milieu de nulle part.
Nourris par la lecture de Jack London et les histoires de la ruée vers l’or, trois jeunes gens, Laurent Granier, Philippe Lansac et Megan Son décident de revenir sur les pas de ces pionniers en traversant l’Alaska à cheval, du sud au nord, sur plus de 1800 kilomètres, reliant l’océan Pacifique à l’océan Glacial Arctique. Comme les premiers pionniers, ils se heurtent aux sentiers abrupts creusés à flanc de montagne, aux grizzlis et aux glaces... jusqu’au-delà du cercle polaire.
Laurent Granier et Philippe Lansac voyagent ensemble depuis plus de quatre ans. Leur première expédition les a menés de Paris à Tokyo en trois ans. Ils ont rapporté de ce long périple deux ouvrages : Paris-Tokyo et Paris-Séoul, on the roads of Eurasia. Photographes et écrivains voyageurs, ils font aussi partager leurs aventures à travers des articles parus dans la presse, des chroniques radio, des expositions et des conférences.
Megan Son, de nationalité américaine, a vécu une grande partie de sa vie en Corée du Sud. Passionnée de voyage et d’aventure, elle a collaboré à l’ouvrage Paris-
Souvenir d'un séjour au Canada (Québec) en septembre 2007, nous sommes allés assister au grand défilé des chars « western ». Il y avait aussi un grand spectacle de rodéo auquel nous n’avons pu assister (les places étaient réservées depuis des lustres ou coûtaient la peau des f… au marché noir !). Je pensais (j’espérais) voir un spectacle avec de « vrais » cow boys enfin quelque chose d’un peu authentique ! déception : c’était chouette mais très « spectacle pour touriste ».
Pas beaucoup de chevaux sauf de superbes percherons d’attelage (par deux, trois et jusqu'à quatorze ensemble… magnifique.
Sur la photo au-dessus c’était des QH de roping pour une démonstration.
et au-dessous le premier attelage du défilé (des percherons ??????)